Amour toxique, c’est l’histoire d’une chute. Celle de Manie, 22 ans, diplomée des Beaux-Arts et artiste en devenir, solaire, bourrée de rêves et de couleurs, qui va lentement se faner sous l’emprise de Fredo, un professeur de philo aux airs de panda charmeur aux griffes invisibles. Leur rencontre a tout d’un coup de foudre. Il est drôle, intense, séduisant… puis insidieux. Il pique, dénigre, s’impose, jusqu’à prendre toute la place ...
Dans Amour toxique, les auteures nous proposent une bande dessinée intimiste et percutante sur le thème délicat de la dépendance affective. Elles ne se contentent pas de relater une histoire, elle nous immerge dans le tourbillon émotionnel de son personnage principal, Manie. Le récit suit la relation de Manie avec Fredo, un homme charmant et manipulateur. Dès les premières pages, on sent la tension s'installer. L'amour se transforme peu à peu en une relation étouffante, où le doute et la culpabilité rongent Maniee. Ce qui est particulièrement réussi, c'est la manière dont l'autrice dépeint cette emprise psychologique. Elle montre comment l'héroïne s'enferme, s'isole, et perd progressivement son identité pour plaire à l'autre, tout en cherchant désespérément un amour qui n'est plus qu'une illusion. Le dessin de Bénédicte Moret est un véritable atout. Son trait, à la fois doux et expressif, est souvent rehaussé de touches de couleurs symboliques. Le rouge, notamment, est utilisé de manière récurrente pour illustrer la passion, la colère ou le danger. Le dessin parvient à traduire avec justesse la détresse de Manie, l'étouffement qu'elle ressent. Les visages et les attitudes sont d'une grande expressivité, et les cases, parfois minimalistes, laissent place aux silences et aux émotions. L'album est visuellement très réussi, au service d'un propos fort. Ce n’est pas un grand huit, c’est une spirale : descendante, silencieuse, étouffante. L’histoire avance par petites morsures. Ce n’est pas un drame tonitruant, c’est pire : c’est plausible. Terriblement plausible. La force de l’album, c’est ce contraste entre l’âpreté du fond et la douceur feinte de la forme. Manie est une petite renarde vive, Fredo un panda bien peigné, et tous les personnages sont des animaux anthropomorphes. Ce choix graphique étonne au départ, mais il permet de créer une distance salutaire. On identifie mieux les mécanismes de l’emprise, on comprend sans être submergé. Le trait est simple, limpide, presque enfantin. Les couleurs désaturées soulignent la perte progressive de soi, et certaines planches — où les personnages retrouvent leurs teintes vives — offrent des bouffées d’espoir saisissantes.
VERDICT
Amour toxique est une lecture nécessaire. Pas confortable, mais utile. Un album qui serre la gorge, ouvre les yeux, et pourrait devenir un outil précieux pour les jeunes. Si l’amour rend aveugle, cette BD allume une lumière dans la pénombre.
Date de parution : 06 Juin 2025
Editions : Le Lombard