L'Union européenne s'apprête à vivre une semaine charnière pour sa politique numérique. Bruxelles prévoit d'annoncer une série de modifications réglementaires concernant l'intelligence artificielle et la protection des données, et l'ampleur de cette annonce suscite déjà de violentes manifestations. Il s'agit du premier recul aussi important de la réglementation en vigueur depuis l'entrée en vigueur du RGPD. Ces changements ont été présentés comme une tentative de réduire les lourdeurs bureaucratiques que les entreprises européennes dénoncent comme un grief majeur. Ces dernières affirment que, face à la concurrence des États-Unis et de la Chine, leur croissance est freinée. Cependant, les critiques y voient un risque sérieux et le signe que la compétitivité prime désormais sur la protection des citoyens.Bruxelles réfute toute accusation d'influence de l'administration américaine, bien que sa politique ait suscité l'ire de la Maison-Blanche et des géants technologiques américains. Les autorités insistent sur le fait que les demandes émanent principalement d'entreprises européennes qui réclament un accès facilité aux données nécessaires à l'entraînement des modèles d'intelligence artificielle. La réalité politique est cependant plus complexe. Ces changements interviennent dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes et de pressions grandissantes de la part du secteur technologique, tant en Europe qu'aux États-Unis. À cela s'ajoutent les mises en garde du président Donald Trump concernant une « réglementation européenne excessive et néfaste ».
Le projet de modifications comprend un élément susceptible de séduire l'Europe. La Commission prévoit de supprimer l'obligation d'afficher les bannières de cookies, qui agacent les utilisateurs depuis des années. Elles seront remplacées par un modèle de gestion du consentement plus discret. Cependant, il ne s'agit là que d'un fragment d'une réforme plus vaste. La proposition la plus controversée consiste à restreindre la définition des données personnelles et à autoriser leur traitement à des fins d'intérêts commerciaux légitimes, notamment pour l'entraînement des modèles d'IA. Pour le secteur technologique, cela ouvre la voie à d'immenses entrepôts de données. Pour les défenseurs des droits numériques, c'est un signal d'alarme.
Suite à la publication du projet de texte, la Commission a reçu une lettre signée par 127 organisations sociales et syndicales. Les signataires le qualifient de « plus grande restriction des droits numériques de l'histoire de l'UE ». Max Schrems, l'un des militants européens les plus influents en matière de protection de la vie privée, met en garde contre une « violation sans précédent des principes fondamentaux de la protection des données ». Les autorités affirment que ces changements ne réduiront pas le respect de la vie privée, mais les inquiétudes croissantes indiquent que la bataille concernant la version finale de la loi ne fait que commencer.
Le projet de loi propose également un report d'un an de l'application de certaines réglementations relatives à l'IA. Il s'agit notamment des systèmes à haut risque, tels que les modèles ayant un impact sur la sécurité, la santé et les droits fondamentaux. Au lieu d'entrer en vigueur l'année prochaine, ces réglementations devraient être mises en œuvre en 2027. Cette décision reflète les pressions exercées par des entreprises telles qu'Airbus, Lufthansa et Mercedes-Benz, qui avaient averti cet été que la forme actuelle de la loi sur l'IA nuirait à l'innovation et prolongerait les processus de développement.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est désormais confrontée à une tâche ardue. Pour entrer en vigueur, les réformes doivent être approuvées par le Parlement européen et les États membres. Les premières dissensions apparaissent au sein même de son camp. Les socialistes rejettent tout report, tandis que les centristes mettent en garde contre toute ingérence susceptible d'affaiblir les normes européennes en matière de protection de la vie privée. L'organisation noyb a publié une analyse approfondie décrivant l'impact potentiel de ces changements. Selon ses auteurs, les réformes ouvriront la voie à une plus large « absorption des données européennes » par les entreprises américaines. Bruxelles affirme qu'il ne s'agit pas de déréglementation, mais de « simplification ». Cependant, la pression extérieure sur l'Europe s'accroît. L'administration américaine critique la réglementation européenne en matière d'IA depuis le début de l'année. Parallèlement, l'Europe commence à analyser ses propres obstacles. Un rapport préparé par l'ancien Premier ministre italien Mario Draghi indique que la réglementation actuelle sur les données pourrait freiner le développement des entreprises locales spécialisées dans l'IA.
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